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Agressé parce que Kabyle : mon histoire que personne ne veut entendre

« Kabyle à 19 ans, agressé à Oran : le jour où j’ai compris que je n’étais pas en sécurité dans mon propre pays »

En 2006, j’avais 19 ans. Comme beaucoup de jeunes de mon âge, je voulais simplement travailler, construire ma vie, aider ma famille.
J’ai quitté mon village pour Oran, une ville dont on me disait déjà : « Fais attention, là-bas, un Kabyle n’est jamais vraiment en sécurité. »
Ce n’était pas des paroles en l’air : un jeune de chez nous, Halli d’Assi Youcef, avait été assassiné dans l’Oranais pendant son service militaire. Cette histoire, comme tant d’autres, flottait dans ma tête chaque fois que je sortais.


Le taxi : le moment où tout a basculé

Après une longue journée de travail, je pris un taxi collectif, comme d’habitude.
Je voulais juste rentrer et me reposer. Rien de plus simple. Rien de plus normal.

Mais dès que je me suis assis, un homme m’a fixé et m’a lancé, d’un ton qui n’annonçait rien de bon :

« Toi aussi tu te loges dans la villa à côté de chez moi. Tous ceux qui y habitent sont des Kabyles… Tu es Kabyle ? »

Cette question, en apparence banale, a fait monter en moi une vague de tension. À Oran, je le savais : répondre oui pouvait être un danger.
Mais répondre non aurait été une trahison envers moi-même.

J’ai choisi la vérité.

« Oui, je suis Kabyle. »

Son ton a changé. Son regard aussi.
Il a aussitôt enchaîné :

« Chez vous, en Kabylie, vous êtes des chrétiens. »

Je suis resté calme.

« Il y a des chrétiens, des musulmans… comme partout. »

Troisième question, la plus violente :

« Vous, les Kabyles, vous n’êtes pas des Algériens. »

À cet instant, quelque chose en moi s’est levé. L’injustice, le mépris, le racisme… tout cela m’a arraché une réponse instinctive :

« Nous sommes des Algériens de première classe. Et si vous en doutez, allez apprendre votre propre histoire. Cherchez vos origines, peut-être du côté de l’Arabie saoudite. »

Le fils de l’homme, assis devant, s’est retourné d’un coup.
Furieux.

« Ne parle pas comme ça à mon père ! Attends qu’on descende, tu vas voir ce que je vais te faire ! »

Le père tentait de le calmer, mais c’était trop tard : l’agression était déjà dans l’air.

À l’arrêt, j’ai sauté du taxi et je me suis enfui jusqu’à mon logement.


Le lendemain : le passage à tabac

Le matin suivant, je suis sorti comme d’habitude… avant de tomber sur le fils, entouré de ses amis.

J’étais seul.

Ils ne m’ont laissé aucune chance.
Coups, insultes, vêtements déchirés.
Ils voulaient me punir pour une seule raison : ma kabylité.

J’ai réussi à m’échapper, à rentrer en sang, humilié, brisé. Mais aussi déterminé à faire ce qu’un citoyen est censé pouvoir faire : demander justice.


La gendarmerie : la seconde violence

J’ai tout raconté, honnêtement, dans le détail.

Et la réponse que j’ai reçue restera gravée en moi à jamais :

« Avant tout, nous sommes tous des Algériens. Rentre chez toi. S’il revient vers toi, reviens nous voir. »

Autrement dit :
aucune protection, aucune écoute, aucune justice.

Comme si être Kabyle faisait de moi :

  • un citoyen de seconde zone,

  • un homme sans droits,

  • une victime acceptable.


Ce que j’ai compris ce jour-là

Ce jour-là, j’ai fait une découverte amère :

**Être Kabyle, dans certaines régions d’Algérie, ce n’est pas neutre.

C’est un risque. Un danger. Une vulnérabilité.**

Mon expérience n’est pas une théorie, ni une complainte.
C’est un fait vécu, une agression réelle, un racisme pur et dur.
Et la réponse des autorités a montré clairement à quel point nous sommes laissés seuls face à ces violences.

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